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vendredi 28 novembre 2014

source:http://www.vineyardsaker.fr/

Photo James PetrasLA CHUTE DU MUR DE BERLIN ET LA MULTIPLICATION DES MURS OCCIDENTAUX

Ce 9 Novembre 2014, l’Allemagne et ses alliés occidentaux ont célébré la Chute du mur de Berlin et la réunification qui s’ensuivit des deux Allemagnes. La Chancelière Merkel a qualifié cet « événement historique »de « victoire de la liberté pour tous les peuples d’Europe et dans le monde ». 
Je suis un Berlinois
Je suis un Berlinois
La totalité des médias occidentaux et des milieux officiels ont repris la rhétorique de Merkel, tout comme 300 000 Allemands rassemblés à la porte de Brandebourg ont ovationné leur leader lorsqu’elle a évoqué « un peuple, une nation, un État dans la liberté, la paix et la prospérité ». Mais le discours de Merkel est une construction égocentrique et chauvine, qui déforme les conséquences réelles de la réunification de l’Allemagne. De plus, la célébration occidentale de chutes de murs est très sélective.
La notion selon laque l’Allemagne a été unifiée démocratiquement est d’une précision historique douteuse. L’existence d’une puissante Allemagne réunifiée n’a pas eu pour conséquence une Europe prospère en paix, et le rôle actuel de l’Allemagne dans la politique mondiale, plus précisément au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Ukraine, a été tout sauf pacifique.

Les murs de la liberté et les murs des prisons

Comparaison entre le Mur de Berlin et le Mur de Palestine
Comparaison entre le Mur de Berlin et le Mur de Palestine
Pendant que les régimes de l’Otan célèbrent la chute du mur de Berlin comme la plus haute expression de la liberté, les leaders politiques de ces pays soutiennent, financent et promeuvent des murs oppressifs partout dans le monde. Ainsi l’Allemagne unifiée et ses partenaires de l’Otan ont cautionné le mur de séparation israélien divisant et emprisonnant des millions de Palestiniens, depuis près de deux décennies. Apparemment il y a des murs progressistes et d’autres réactionnaires : des bons murs et des mauvais murs. Contrairement aux Palestiniens, les Berlinois n’ont jamais été privés de produits de première nécessité, ni exposés à des déplacements arbitraires, ni même à la mort : le pont aérien amenait tout aux Berlinois de l’Ouest.
En revanche, le mur de séparation israélien provoque la division et la saisie des terres palestiniennes, de maisons ancestrales, de fermes, d’écoles et de sites culturels. Des oliviers centenaires sont rasés, privant leurs propriétaires de leurs sources de revenus.
Sur l'autoroute us-américaine qui longe le mur de séparation avec le Mexique, il faut faire attention aux passages de familles, comme ailleurs, sur les routes longeant les forêts, aux sangliers ou au chevreuils...
Sur l’autoroute us-américaine qui longe le mur de séparation avec le Mexique, il faut faire attention aux passages de familles, comme ailleurs, sur les routes longeant les forêts, aux sangliers ou au chevreuils…
Les USA ont construit leur mur de sécurité massif le long de la frontière mexicaine, emprisonnant et même abattant les réfugiés qui fuient la militarisation par Washington en Amérique Centrale et au Mexique. Le mur de sécurité US condamne des millions de Mexicains et de Centraméricains à vivre dans la terreur et la misère dans les narco-États meurtriers clients des USA. Durant les sept dernières années, 100 000 civils mexicains ont été tués sous le règne de présidents soutenus par les USA, qui ont été élus par la fraude, et poursuivent implacablement la guerre contre la drogue décrétée par les USA. Des tueries de niveaux similaires ravagent le Honduras, le Salvador et le Guatemala, où les bandes de narcotrafiquants, avec l’appui de politiciens corrompus et de responsables policiers et militaires, terrorisent les villes et les campagnes.
Le nombre de morts dus aux interventions militaires US en Amérique Centrale dépasse celui des interventions soviétiques en Europe de l’Est. Le mur frontalier US garantit que les survivants de la terreur resteront sous le joug brutal de régimes soutenus par les USA.
Pendant ce temps, l’Union européenne civilisée a érigé, sur terre et sur mer, des murs contre les réfugiés en provenance d’Irak, de Syrie, de Libye, du Liban et de Palestine, qui fuient les invasions de l’Otan et les guerres par procuration dans leurs pays. D’après le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés, treize millions de civils ont été déplacés par les guerres US en Irak et en Syrie. Beaucoup de ceux qui fuient les zones de guerre se heurtent aux murs légaux européens : restrictions à l’immigration, camps de concentration ou d’internement et détentions prolongées sont l’épilogue de leur fuite vers la liberté.
La Chancelière Merkel a choisi de ne pas évoquer ces murs civilisés érigés contre ceux qui fuient lesinterventions humanitaires de l’Otan. Pas plus que les premiers ministres et présidents d’Europe ou des USA, et leur allié Israël, ne reconnaissent les morts et la souffrance… car ce sont leurs Murs, leurs propresobstacles à la liberté.

Réunification démocratique de l’Allemagne, ou annexion forcée ?

RDA (DDR) : Fuite vers l'extérieur interdite ! Union européenne (UE) : Fuite vers l'intérieur interdite !, par Stuttmann
République démocratique allemande (DDR) : Fuite vers l’extérieur interdite ! Union européenne (UE) : Fuite vers l’intérieur interdite !, par Stuttmann
Merkel passe sous silence le fait crucial que les Allemands de l’Est n’ont jamais été consultés, ou n’ont jamais été autorisés à organiser des élections libres afin de décider du type de relation qu’ils souhaitaient avec le régime de l’Allemagne de l’Ouest. On ne le leur a jamais demandé dans quelles conditions ni sous quel échéancier la réunification devait être faite. Le régime de l’Allemagne de l’Ouest a pris le contrôle et a dicté les politiques économiques et sociales qui ont détruit l’économie de ses voisins orientaux, de manière arbitraire. Des centaines de milliers de travailleurs des usines d’État ont été brutalement confrontés aux licenciements arbitraires, lorsque le capitalisme occidental les a fermées. 
Les paysans est-allemands ont assisté, impuissants, à la dissolution de leurs coopératives stables et prospères, ordonnée par les responsables ouest-allemands. Où était la démocratie dans cette politique d’annexion brutale et cruelle, qui a réduit le niveau de vie en Allemagne de l’Est, multipliant le chômage par dix, compromettant grandement les avantages sociaux ainsi que l’emploi féminin, et entraînant une catastrophe pour les retraités ? Plus d’un million et demi de travailleurs est-allemands ont été déracinés et sont devenus des réfugiés économiques à l’Ouest, où les salaires étaient le double de ceux pratiqués en Allemagne de l’Est libérée. Les salaires étaient plus élevés, mais aussi l’insécurité du travail et la perte des avantages sociaux de l’Est. Et si, sur une période de 28 ans, la mort de 138 est-Allemands tentant de fuir en passant le Mur était une tragédie, alors comment devons-nous appeler les milliers de noyés, dans d’horribles conditions, morts en essayant de traverser la Méditerranée pour atteindre l’Europe, de franchir le mur séparant le Mexique et les USA ou le mur Israélien étranglant six millions de Palestiniens ?
Beaucoup de ces bandes de la mort dénient les aspirations à plus de liberté des Latino-Américains, des Palestiniens, des Moyen-orientaux, les empêchant d’échapper aux guerres US-Otan et au génocide israélien. Mais ces murs atroces n’ont pas été mentionnés par la Chancelière Merkel devant la Porte de Brandebourg lorsqu’elle a célébré le 25ème anniversaire de la chute du mur de Berlin. Les scribes et les plumitifs du New York Times, du Financial Times et du Washington Post n’ont pas mentionné ces murs réels et actuels, ni leurs bilans brutaux. La dénonciation sélective de certains murs contraste avec la politique qui consiste à en ériger d’autres, des murs bien plus redoutables. Les murs occidentaux d’exclusion portent avec eux le déni de responsabilité pour les conditions politiques et économiques qui ont conduit des millions de réfugiés à fuir l’Amérique Centrale, la Palestine, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
L’intervention US et le soutien à des régimes fantoches d’escadrons de la mort et à des militaires brutaux en Amérique Centrale, des années 1960 aux années 1990, ont tué plus de 250 000 civils et provoqué le déplacement de deux millions de réfugiés.
Les invasions US-Union européenne et les guerres par procuration en Iraq, Afghanistan, Libye et Syrie, depuis plus de dix ans, ont déraciné plus de treize millions d’êtres humains, et tué plus d’un million de civils.
Depuis 1967, les guerres israéliennes et l’occupation contre le peuple palestinien ont permis l’installation de plus de 500 000 colons juifs sur les terres palestiniennes. L’État juif auto-proclamé aura produit des centaines de milliers de déplacés, ainsi que plus de 300 000 morts, mutilés ou prisonniers. Admettre que l’Occident construit et maintient son propre système de murs atroces, implique inévitablement de pointer du doigt la politique systématique impérialiste et sanglante qui, depuis plusieurs décennies, a créé des millions de réfugiés.
Les guerres impériales se caractérisent par la construction et l’entretien de murs occidentaux, bien plus meurtriers et brutaux que le Mur de Berlin, et qui ne sont pas près de tomber. En fait, les murs occidentaux se multiplient et se renforcent, avec les nouvelles technologies de surveillance. Des budgets plus importants, des armes plus meurtrières pour la police anti-immigration, ont conduit à la chasse, la capture et l’incarcération brutales des réfugiés, au fur et à mesure que les régimes occidentaux deviennent de véritables États policiers.
- Laissez-les terminer la constuction du mur, puis expulsez-les… <br>- Et c’est un désastre environnemental. <br>Cartoon par Hurwiit
– Laissez-les terminer la constuction du mur, puis expulsez-les…
- Et c’est un désastre environnemental.
Cartoon par Hurwiit

Les conséquences malignes de la chute du Mur de Berlin et de l’annexion de la RDA

L’annexion de l’Allemagne de l’Est a énormément accru la puissance économique de l’Allemagne, mettant gratuitement à disposition du capitalisme allemand plusieurs millions de travailleurs qualifiés et d’ingénieurs de haut niveau. La puissance accrue de l’Allemagne a conditionné l’orientation de la politique économique de l’Union européenne. Avec le début de la crise économique, l’élite politique et capitaliste allemande était en bonne position pour dicter les termes de la reprise, et pour faire porter le fardeau aux travailleurs et aux classes moyennes de l’Europe du Sud et d’Irlande. La classe dirigeante allemande, en prenant fermement le contrôle de la direction de l’UE, a imposé les programmes d’austérité à la Grèce, au Portugal, à l’Espagne, à l’Italie et à l’Irlande. Ces politiques régressives, qui garantissent aux créanciers le remboursement de leurs prêts avec intérêts, ont conduit à une spirale des taux de chômage, dans certains cas plus de la moitié des jeunes, et, sur le long terme, au déclin du niveau de vie. L’Allemagne unifiée a tendu son nouveau muscle économique et a étendu son hégémonie sur toute l’Europe, en assurant le remboursement de la dette par ses sujets européens.
La puissance économique de l’Allemagne unifiée l’a conduite à renouveler ses prétentions politiques et militaires et à affirmer son engagement dans les guerres impérialistes sous direction US au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Asie du Sud, et en Ukraine. À la fin de la première décennie du 21ème siècle, l’ « Allemagne unifiée » fournit avec profit des armes, de la logistique et des missions militaires en Afghanistan, en Syrie et en Iraq. Elle fournit des armes et une aide économique à Israël, alors que les Palestiniens sont chassés de leurs terres et de leurs maisons. Les ambitions impérialistes de Merkel se sont révélées, par son soutien sans réserve au coup d’État d’extrême-droite en Ukraine. Ensuite l’Allemagne a imposé des sanctions contre la Russie et a soutenu l’agression militaire sauvage contre le Donbass. En Ukraine, L’Allemagne, une fois de plus, comme en 1930, s’est alliée à des collaborateurs et des bandits néo-nazis engagés dans le massacre ethnique des fédéralistes russophones dans l’Est. Le rêve de Merkel est de convertir l’Ukraine en un État client germano-US, où les exportations allemandes remplaceront les produits russes, et dont les investisseurs agro-minéraliers allemands pourront exploiter les matières premières.

Deux poids deux mesures lorsqu’il s’agit de murs

Il est évident que Merkel, Obama et les autres dirigeants impérialistes pratiquent le deux poids deux mesureslorsqu’il s’agit de murs.  Ils dénoncent les murs communistes et défendent des murs capitalistes meurtriers pour les réfugiés. Ils célèbrent la chute du Mur de Berlin, tout en construisant des murs bien plus sanglants contre les victimes de leurs guerres impérialistes.
Au-delà de l’orientation et de l’hypocrisie de la politique officielle occidentale, Il y a une logique politique. Les critères occidentaux utilisés pour désigner les murs dignes d’être soutenus et les murs qui doivent tomber suivent deux lignes :
  1. les murs qui repoussent les victimes des guerres impérialistes sont progressistes et nécessaires à lasécurité nationale ;
  2. les murs qui protègent les régimes nationalistes, communistes ou de gauche sont répressifs, déshumanisants et doivent tomber.
Toujours plus de murs dans un monde sans frontières
La carte des murs dressée dans le monde
La carte des murs dressée dans le monde
Si on prend en compte plus largement les conséquences politiques d’un événement, comme la chute du Mur de Berlin et l’annexion arbitraire de l’Est qui s’ensuivit, il est clair que la prise de pouvoir de l’Allemagneréunifiée a eu un profond impact négatif sur les économies de l’Europe du Sud et a concentré les pouvoirs politiques dictatoriaux dans les mains des décisionnaires allemands au sein de la direction de l’Union européenne, à Bruxelles. L’Allemagne réunifiée a renoncé à jouer un rôle passif et a réaffirmé son rôle dans la politique mondiale, d’abord en douceur, en tant que partenaire junior dans les guerres impérialistes US du Moyen-Orient, et maintenant plus activement, en collaboration avec les bandits d’extrême-droite ukrainiens et en imposant des sanctions économiques à la Russie.
La grande chute allemande après la Seconde Guerre mondiale a nécessité un demi-siècle pour recoller les morceaux. Mais cela fait, l’Allemagne cherche à devenir une puissance mondiale, en particulier grâce à ses mandataires de l’Union européenne et de l’Otan, en alliance étroite avec l’impérialisme US. Le 4ème Reich évoque de plus en plus le 3ème Reich.
James PetrasTraduit par Francis et relu par Fausto pour Vineyardsaker.fr et Tlaxcala
Source : The Fall of the Berlin Wall and the Multiplication of Western Walls, http://petras.lahaine.org/, 15-11-2014
Déjà publié de James Petras
James Petras est professeur émérite de sociologie à l’Université d’État de New York à Binghamton. Il est l’auteur de 62 ouvrages, dont certains ont été traduits en français, et de plus de 600 articles parus dans de nombreuses publications. Il se définit lui-même comme un militant et écrivain « révolutionnaire et anti-impérialiste ». Il a travaillé avec le Mouvement des travailleurs sans-terre du Brésil et le Mouvement des chômeurs d’Argentine. (Wikipédia, anglais)

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